par Désiré Tankuy RD Congo
Les habitants de Bandundu ne rechignent pas à payer la taxe vélo depuis qu'ils ont constaté que ces recettes étaient employées à leur avantage pour payer les fonctionnaires et entretenir la ville. Celle-ci a aussi sécurisé le transport assuré essentiellement par les deux-roues.
"La ville du vélo." Ainsi peut-on appeler Bandundu, chef-lieu de la province du même nom, au nord-est de Kinshasa. Dans cette agglomération de 450 000 habitants où presque chaque famille possède un vélo, cet engin n'est pas seulement l’unique moyen de transport public, mais aussi l’une des sources sûres de recettes de la ville. L’instauration en 2006 de la taxe sur les deux-roues apporte, en effet, une petite bouffée d’oxygène à la capitale de cette province, pas particulièrement riche.
Fixé au début à 1500 Fc pour le vélo à usage privé et à 3000 Fc pour celui destiné au transport public avant d’être uniformisé à 2000 Fc, les recettes provenant de cette taxe ont permis à la municipalité de payer des avances de salaires aux fonctionnaires, de réhabiliter des marchés publics, d’installer l’éclairage public… Selon Wilu Zwala, chef de bureau urbain du budget, elle devrait rapporter cette année environ 51 000 000 Fc (62 000 $) au trésor de la mairie.
Martine Bokenge, l’ex-maire de la ville qui l’a instauré, était convaincue dès le départ des effets bénéfiques de cette nouvelle réglementation. Mais il fallait que les gens comprennent aussi l’utilité de cette mesure et l’accepte. "Tout vélo mis en circulation doit avoir des freins, un système d’éclairage, une sonnette, un feu de position et surtout payer la taxe annuelle sur la plaque vélo pour éviter des accidents de circulation", martelait-elle chaque fois qu’elle s’adressait à la population. Des précautions et habitudes jusque-là négligées, mais que les habitants ont effectivement très vite acceptées. "J’ai compris qu’avoir un vélo en ordre et se conformer aux normes routières profitent à moi-même, car je suis en sécurité", reconnaît Ngytuka Balemba, un tolekiste (chauffeur de taxi vélo).
"Quand les finances sont bien gérées…"
Ce type de taxe était considéré, il y a encore peu, comme une tracasserie administrative. Instituée dans le cadre de la politique de décentralisation du pays, elle est aujourd’hui, d’après la mairie, la taxe la mieux vendue à Bandundu. Les propriétaires de vélo s’acquittent de cette obligation sans se faire prier, convaincus que leur argent ne va pas dans les poches des individus comme c’est souvent le cas, mais est versé au trésor public pour des actions d’intérêt communautaire. Comme preuve de paiement, ils reçoivent un récépissé qui reprend le nom du propriétaire, la marque de l’engin, sa couleur, le numéro du cadre, le nom du percepteur de la taxe ainsi que le montant payé. Un document précieux qui sécurise à la fois le propriétaire, et permet la transparence dans la gestion des frais encaissés.
"Quand les finances sont bien gérées, l’Etat est capable de réaliser tant de choses…", fait observer Théophile Tabala, un nonagénaire qui partage souvent son expérience d’ancien avec des jeunes de Bandundu. Au début, 40 % des recettes de la taxe étaient versés à la mairie, et 60 % aux trois communes de la ville. Les avances sur salaires payés aux agents de l’Etat nouvellement recrutés, qui attendent souvent longtemps avant d’être mécanisés à Kinshasa, de même que les primes versées au personnel sous statuts varient entre 24 000 Fc et 81 000 Fc (29 et 98 $). "C’est un véritable soulagement pour ces fonctionnaires", s’exclame un habitant.
Moins d’accidents sur la route
Après ces premiers résultats, en 2008, la ville a laissé aux communes le droit de percevoir la totalité de la taxe. A leur tour, ces entités payent aussi des primes à leurs agents, cure des caniveaux et ont commencé à refaire les étals des marchés qui sont éclairés…
A la police de circulation routière, qui par son travail de contrôle a aidé la ville à engranger ces recettes, et les chauffeurs de taxi-vélo et les privés à se conformer à la loi, les résultats sont aussi encourageants. Selon un commissaire de police, il ne se passait pas un jour sans qu’un accident causé par des vélos sans frein, sans klaxon ni phare ne soit signalé dans la ville. "On enregistrait entre 10 et 18 accidents par semaine. Actuellement, le taux est réduit de près de 90%", indique-t-il, fier du travail abattu.
(Syfia Grands Lacs/Rd Congo)