vendredi 29 février 2008

Des ordures qui facilitent la vie : Anaclet Hakizimana


Bujumbura, 2008-02-25 (Syfia Grands Lacs/Burundi) -
Transformés en briquettes et en braseros, les ordures et déchets métalliques de certains quartiers de Bujumbura sont rapidement valorisés. Les habitants ont, à peu de frais, des rues propres et la cuisine facile. Chaque matin dès 8 heures, des chariots pleins d’ordures, tirés par 3 à 6 personnes, arrivent sur le site de recyclage des déchets ménagers de Nyakabiga à Bujumbura. Là, le travail est intense pour recycler rapidement ces déchets ménagers qui, quelques jours après, sont vendus transformés en combustible et braseros. Double avantage : les communes urbaines de Nyakabiga et Bwiza sont propres et les ordures valorisées.
Depuis plus d’un an, dans ces quartiers, on ne voit plus au bord des routes des montagnes d’ordures dégageant des odeurs nauséabondes ni de mouches qui pullulent. Richard Nimubona, l’administrateur de la commune Nyakabiga, satisfait de cette lutte contre l’insalubrité, note également que le choléra et la dysenterie bacillaire ne sont plus apparus depuis juin 2006, date du démarrage de la collecte des déchets.
Depuis plus de 5 ans, les camions des Services techniques municipaux (SETEMU) étaient, en effet, dans l’impossibilité technique et financière de ramasser les ordures et autres déchets ménagers dans les quartiers. Les habitants se sont donc pris en charge. Moins d'un dollar par mois À Nyakabiga et Bwiza, où résident près de 100 000 personnes, chaque ménage paie 800 Fbu (0,8 $) par mois à l’Association pour le développement et la lutte contre la pauvreté (ADLP). Chacun rassemble les ordures dans des sacs et les agents de l'association passent les prendre chaque semaine dans de grands chariots en bois. "Finies les remontrances des chefs de quartier : on ne dépose plus de déchets le long de la route bitumée", se réjouit un habitant de Bwiza. Tous les habitants de ces communes sont aujourd'hui fiers d’une propreté acquise à peu de frais, selon leurs propres termes.
Ces ordures sont acheminées au siège de l’association au bord de la rivière Ntahangwa, qui coupe en deux la capitale burundaise. Après triage, les matières végétales, essentiellement les épluchures, sont étalées pour le séchage avant de passer dans un moulin puis dans un compacteur et transformées en briquettes grises et les déchets métalliques en braseros, à l’aide d’un compacteur. "N’eût été le problème de matériel et de financement, on pourrait aussi fabriquer la fumure organique. Même les objets en verre pourraient être mis à contribution", précise Benjamin Bikorimana, représentant légal de l’ADLP, créée en 2006 par 47 ex-combattants et des civils qui ont bénéficié, au départ, d’un appui du ministère de la Jeunesse et des sports ainsi que de l’administration communale.
Combustible bon marchéCes combustibles et braseros offrent de nombreux avantages aux ménages de ces quartiers à qui ils sont vendus. À 150 Fbu (0,15 $) le kilo, la briquette garde la chaleur pendant 6 heures, alors que la braise ne dure qu'une heure. "Outre que les nouveaux produits ne laissent pas de saletés dans les parcelles, ma consommation en combustible a été réduite, passant de 24 000 Fbu (24 $) par mois à 13 000 Fbu (13 $)", précise Audace Niko, un chef de ménage de Nyakabiga. La cuisson étant plus facile, il n'emploie plus qu'un domestique au lieu de deux. Celui-ci s'occupe aussi des enfants et a vu son salaire doubler, de 10 000 Fbu (10 $) à 20 000 Fbu (20 $). Pour Francine Nkunzimana, une ménagère, c'est une nouvelle sorte de charbon pour les pauvres moins cher, facile à allumer et qui ne s’éteint pas durant la cuisson. Quant au brasero, il est beaucoup plus solide que ceux couramment utilisés. Conçu pour les briquettes, il est fabriqué en tôle, doublé d’argile et est doté d’une cheminée pour laisser échapper la fumée. D’une tonne de déchets, on extrait 500 kilos de briquettes, selon le représentant légal de l’ADLP qui dit être en discussion avec l’armée et la police nationale pour signer des contrats de fourniture. Chaque mois, on en produit en moyenne 5 tonnes.
Presque tout est vendu, mais il manque encore des balances pour les peser et multiplier les points de vente. L'activité est rentable. Les recettes avoisinent, en effet les 2 500 $ dont la moitié sert à payer le personnel. "Même le chef de l’État, qui nous a rendu visite l’année dernière, a promis de nous appuyer, car nous intervenons dans la protection des arbres et partant de l’environnement. Il a aussi acheté trois braseros et quelques kilos de briquettes", raconte fièrement Benjamin Bikorimana. Le ministère de l’Environnement promet, de son côté, de mettre sur pied un cadre de partenariat avec l’association. Celle-ci constitue, en outre, une source d’emplois : elle a déjà embauché 114 personnes, dont une vingtaine de démobilisés. "Je n’ai rien à envier à ceux qui sont restés dans l’armée et je déteste les démobilisés impliqués dans vols à main armée. Avec mon travail, je parviens à faire vivre ma famille", avoue l’un d’entre eux. Ce qui réjouit le responsable de l’ADLP pour qui l'objectif était à la fois de créer des emplois pour les personnes vulnérables, de limiter les dégâts causés par une mauvaise gestion des déchets et de protéger l’environnement.