samedi 17 janvier 2009

Crise financière : la page blanche du G20

Un coup de projo sur l’échiquier mondial

Crise financière : la page blanche du G20
Nous publions ci-dessous la chronique d’Arnaud Zacharie, secrétaire général du CNCD-11.11.11. Cet texte a été rédigé pour la revue Imagine demain le monde (n°71, janvier-février 2008).
Alors que la crise financière se mondialise et plombe l’activité économique et l’emploi, le sommet du G20 a adopté le 15 novembre 2008 à Washington un plan d’action pour s’assurer qu’une telle crise ne se reproduise jamais. Mais au-delà des têtes de chapitres enfin définies, tout reste à faire.


Loin d’aboutir à un « nouveau Bretton Woods », tel qu’annoncé un peu vite par le président français Sarkozy, le sommet du G20 à Washington a cependant eu le mérite de réunir les grandes puissances du nouveau monde multipolaire pour débattre des mesures à prendre pour réguler le système financier international. Après tant d’années d’inaction en la matière, c’est déjà en soi une avancée significative. Mais le sommet a été le théâtre de l’opposition entre la volonté affirmée par le président français de « refonder le capitalisme » et le dogme réaffirmé par le président Bush en fin de mandat selon lequel « cette crise n’est pas l’échec de l’économie de marché et la réponse n’est pas de réinventer ce système ». Le président chinois Hu Jintao a quant à lui prôné « un nouvel ordre financier international loyal, juste, inclusif et ordonné ».

La déclaration finale, après avoir prôné des plans de relance budgétaire concertés et l’absence de protectionnisme commercial, définit des principes communs pour réformer les marchés financiers. Certes, reflétant l’allergie de certains de ses membres envers la création d’un superviseur mondial, le G20 commence par souligner que « la régulation relève avant tout de la responsabilité des régulateurs nationaux », mais il admet dans la foulée qu’étant donné le caractère global des marchés financiers, « une coopération internationale intensifiée entre régulateurs et des normes internationales renforcées » sont nécessaires.

Cinq têtes de chapitres…

La déclaration définit ensuite un plan d’action à court et moyen terme fondé sur cinq principes de réforme : le renforcement de la transparence et de la responsabilité des opérateurs financiers, l’application d’une saine régulation, la promotion de l’intégrité des marchés financiers, le renforcement de la coopération internationale et la réforme des institutions financières internationales.

Après avoir d’abord rappelé la nécessité de renforcer la transparence des institutions financières, le plan d’action aborde la nécessaire régulation « de tous les marchés, de tous les produits et de tous les opérateurs financiers », ce qui implique notamment d’éviter les conflits d’intérêt des agences de notation, de renforcer les ratio de solvabilité des banques et de réguler les marchés de produits dérivés de gré à gré [1], dont les fameux CDS (credit default swaps).

Le troisième pilier du plan d’action porte sur l’intégrité des marchés et aborde le dossier aussi sensible que fondamental des paradis fiscaux… mais en les citant de manière métaphorique. Le G20 prône en effet des mesures pour « protéger le système financier international des juridictions non coopératives et non transparentes », sans être guère plus prolixe sur les mesures à adopter. Le quatrième pilier prône, à défaut d’un superviseur mondial, la coopération des superviseurs pour « établir des collèges de superviseurs pour toutes les institutions financières transfrontalières majeures ».

Enfin, le cinquième pilier du plan d’action prône une réforme des institutions financières internationales impliquant à la fois leur démocratisation et la réforme de leurs missions. Le Forum de stabilité financière serait chargé de proposer des règles adéquates et le FMI de prévenir les crises en surveillant le système financier et les banques, tandis que les pays en développement se verraient octroyer davantage de voix en leur sein.

… et une page blanche

Les têtes de chapitres sont ainsi définies, mais les mesures restent floues et un groupe d’experts a été chargé de livrer des pistes concrètes pour le 31 mars 2009, à la veille d’un second sommet organisé à Londres le 2 avril. Certes, on ne pouvait attendre davantage d’un sommet abrité par une administration Bush accrochée à ses dogmes. Mais le G20 se doit de tourner clairement le dos à l’idéologie de l’autorégulation et de remplir la page blanche de mesures concrètes débouchant sur une nouvelle architecture financière internationale. Sans quoi l’objectif d’éviter toute nouvelle crise se révélera immanquablement un vœu pieu.

Arnaud Zacharie


Notes
[1] Les marchés dérivés de gré à gré représentent les deux tiers des opérations dérivées et sont des marchés non organisés, donc hors marché et sans surveillance de régulateur. Les ventes de produits dérivés de gré à gré atteignent le montant astronomique de 683.725 milliards de dollars fin juin 2008 selon la BRI !