dimanche 15 février 2009

"Coup" tactique, plus que stratégique, le succès de l´offensive au Nord-Kivu dépend du temps.

La Libre Belgique,14/ 02/2009


Les FDLR l´ont bien compris et jouent la montre. L´offensive conjointe rwando-congolaise
menée depuis le 20 janvier au Nord-Kivu pour désarmer de force les FDLR
(rebelles hutus rwandais, issus des génocidaires) a été un "coup"
audacieux, qui a complètement bouleversé la donne politique régionale.

"Un complot international"

Mais elle a aussi bouleversé l´opinion publique congolaise, habituée depuis
dix ans à voir et à entendre que le Rwandais est l´ennemi. Le lui
présenter, du jour au lendemain, comme un allié pour mettre fin à la
guerre au Kivu a d´autant plus inquiété les Congolais qu´au même moment
- timing regrettable - était diffusé un "plan Sarkozy" pour la
paix dans les Grands lacs proposant, en gros, une exploitation
rwando-congolaise des richesses congolaises. Il n´en fallait pas plus
pour que l´opinion, au Congo, voie dans cette affaire un "complot international visant à balkaniser et piller notre pays", comme le dénoncent de nombreux internautes.

Le président Kabila, accusé par ses adversaires de "trahison"
pour avoir pactisé avec les Rwandais, marche sur des oeufs : le coup
d´audace ne passera (les parlementaires essaient d´obtenir une session
extraordinaire pour débattre de l´affaire) que si l´offensive
rwando-congolaise (1) engrange des résultats et est la p lus courte possible. Or, c´est la quadrature du cercle.
Jusqu´ici, en effet, alors que l´Onu a annoncé une hausse des demandes de FDLR
pour être rapatriés avec leur famille, il n´y a qu´environ 300
combattants (dont le lieutenant-colonel Edmond Ngarambe, leur
porte-parole) rapatriés - sur un total de 6000 hommes. L´armée
rwandaise a indiqué avoir tué 89 FDLR depuis janvier. Et l´armée
congolaise a annoncé vendredi avoir tué 40 d´entre eux à Kashebere
(Walikale), où étaient réunis "plusieurs commandants" FDLR,
lors d´un raid aérien; autant seraient blessés. Selon l´armée, il
s´agissait de répondre à des tirs contre un hélicoptère de la Monuc
(Mission de l´Onu au Congo). Celle-ci a confirmé à La Libre Belgique
avoir été visée par des tirs, sans dégâts, dans la journée; mais elle
n´a pas assisté à l´attaque congolaise, qu´elle ne peut confirmer.
Où sont les autres rebelles rwandais ? Une partie reculent et se
dissimulent dans la forêt, milieu où la survie est difficile. Des
informations donnent à penser que les FDLR ne s´y enfoncent guère : ils
resteraient aux environs des zones où ils vivaient jusqu´à l´arrivée de
l´armée rwandaise lancée à leur poursuite - juste de quoi lui échapper
en attendant que la pression politique et diplomatique rappelle les
soldats de Kigali à leurs casernes. Bref : les FDLR jouent la montre.

Morts et menaces

Pas seulement la montre, d´ailleurs. Human Rights Watch affirme qu´ils ont
déjà tué une centaine de civils congolais (contre environ 900 pour la
guérilla ougandaise LRA, poursuivie en Province Orientale par l´armée
de Museveni). Selon nos informations, les FDLR envoient en outre des
lettres de menace aux chefs de villages et territoires, au Nord- et au
Sud-Kivu, pour provoquer des déplacements de population susceptibles de
créer un chaos qui obligerait à suspendre l´offensive : si l´armée
rwandaise arrive, nous serons obligés de nous en prendre à la
population congolaise, écrivent les FDLR. Autre tactique encore
: le refus de groupes armés de se rendre si une amnistie de fait n´est
pas garantie à leurs chefs. C´est ce qui expliquerait la dispersion
d´un groupe dissident des FDLR, les RUD, dont 150 hommes qui
attendaient leur rapatriement ont disparu cette semaine de Kasiki.
Les objectifs de cette offensive ont donc peu de chances d´être rencontrés
d´ici la fin du mois, terme publiquement fixé par le président Kabila.
Le parlement rwandais a demandé la prolongation de l´opération mais
c´est la température politique à Kinshasa qui en décidera.

(1) L´offensive ougando-congolaise, en Province Orientale, plus meurtrière pour les Congolais, ne suscite pas de réaction

Les députés rwandais veulent que soit prolongée l'opération « Umoja wetu »
12 Février 2009


L´Assemblée nationale rwandaise a demandé mardi la prolongation de la durée de «
Umoja wetu », l´opération conjointe avec l´armée congolaise contre les
miliciens hutus rwandais des FDLR. Réagissant à cette demande, le
ministre congolais de la communication et des médias, porte-parole du
gouvernement, Lambert Mende déclare que l´armée rwandaise quittera le
sol congolais à la fin de ce mois de février.

Les militaires de l'opération "Umoja wetu"

Le ministre rwandais de la défense, Marcel Gatsinzi, était invité pour
présenter le bilan de cette opération, débutée depuis trois semaines au
Nord-Kivu, devant les députés de son pays. Et selon lui, à ce jour,
près de 90 membres des FDLR ont été tués, plus ou moins 200 combattants
et 2600 non combattants se sont déjà rendus à la force conjointe
RDC-Rwanda. Pour les députés nationaux rwandais, le temps initial fixé
pour la fin de cette opération ne saurait garantir son succès total.

Par ailleurs, toujours selon le ministre de la défense rwandaise, depuis
son lancement, l´opération militaire rwando-congolaise a détruit les
principales bases de la rébellion hutu rwandaise, dont leur quartier
général dans le territoire de Masisi au Nord-Kivu.
Ce quartier général des FDLR détruit au Nord Kivu, a encore dit le ministre
rwandais de la défense, comprenait entre autres un centre de formation
des sous-officiers, une école d´officiers et une université.

Enfin, les parlementaires rwandais ont demandé aux populations de deux pays de
soutenir cette opération. Les appelant à ne pas écouter ceux qui les
égarent, incluant des ong internationales qui répandent le bruit selon
lequel le Rwanda a envahi la RDC.

Lambert Mende : « le Rwanda n´a effectué aucune demande dans ce sens jusqu'à présent »

Réagissant à cette demande, le ministre congolais de la communication et des
médias, porte-parole du Gouvernement, Lambert Mende déclare que l´armée
rwandaise quittera le sol congolais à la fin de ce mois de février : «
Les choses sont claires, la semaine dernière, il y a eu une évaluation
avec le gouvernement rwandais et tous deux nous sommes tombés d´accord
qu´à la fin du mois de février, quel que soit l´état d´avancement du
travail que nous avons débuté ensemble, les troupes rwandaises
quitteraient la République démocratique du Congo, et elle quitteront la
RDC. Maintenant on ne peut pas empêcher les membres du parlement
rwandais de trouver cela efficace ou pas. Et en tout état de cause, le
Rwanda n´a effectué jusqu´à ce jour, aucune démarche vis-à-vis du
gouvernement congolais pour que nous soyons à mesure de réagir. »

Roger Lumbala : « Les rwandais ont compris que ce délai était fantaisiste»

Pour sa part ce député salue le fait que le gouvernement rwandais ait abordé
cette question des Forces démocratiques pour la libération du Rwanda
(FDLR), au niveau de leur assemblée nationale.
Roger Lumbala : « Les rwandais ont compris que ce délai était un délai fantaisiste et
qu´ils ne pourront pas terminer la travail dans ce délai là. C´est
ainsi que leur Assemblée nationale a demandé un délai supplémentaire
afin de permettre aux troupes sur le terrain de faire le travail comme
il le faut. Le gouvernement rwandais ne sait pas prendre des décisions
tout seul sans consulter l´Assemblée nationale, parce que ce sont des
questions qui sont de l´ordre national. Malheureusement, en République
démocratique du Congo, le gouvernement ne sait pas prendre des
décisions en se référant aussi à l´Assemblée nationale. »

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