lundi 2 février 2009

J. Kabila : « Les troupes rwandaises quittent la RDC fin février au plus tard »

Date: 02 Feb 2009

Par Le Potentiel

Le président de la République a rassuré samedi le peuple congolais du départ, « fin février au plus tard » et « le 13-14 février », des contingents rwandais et ougandais engagés dans des opérations militaires conjointes de neutralisation des FDLR au Kivu et de la LRA en province Orientale. « Notre objectif dans le Nord et le Sud-Kivu, c'est la paix, la sécurité et la stabilité », a déclaré Joseph Kabila dans un point de presse à Kinshasa.

Le point de presse du président Joseph Kabila a été couvert, le samedi 31 janvier 2009 au Palais de la nation, par 41 journalistes de la presse congolaise et internationale. Il a porté sur la situation sécuritaire dans les provinces du Kivu, les répercussions de la crise économique mondiale en RDC et sur le niveau d'exécution des Cinq chantiers.

« Notre objectif dans le Nord et le Sud-Kivu, c'est la paix, la sécurité, la stabilité, le retour des populations déplacées et le début de la reconstruction des deux provinces,», a affirmé le chef de l'Etat. Cette profession de foi, qu'il a coutume d'exprimer à diverses occasions, a suscité quelques interrogations aussitôt la présence « autorisée » des troupes au Kivu.

« Les opérations en cours sont prévues d'ici au 10 février 2009, mais pas au-delà du mois de février », a-t-il rassuré.

Le président congolais aurait-il subi des « pressions » pour donner son aval à l'entrée du contingent rwandais au Kivu ? Quelles garanties aurait-il reçues permettant de penser que les opérations conjointes n'iraient pas au-delà des « 15 jours » convenus ? C'est à ces questions et à tant d'autres encore que Joseph Kabila a répondu.

Départ voulu des réfugiés rwandais

« La volonté du gouvernement a toujours été le retour des réfugiés rwandais chez eux », a affirmé le chef de l'Etat. Assurant n'avoir « pas subi des pressions de la part de qui que ce soit », il a justifié son action par sa volonté de répondre positivement à la « pression de la population à l'Est du pays ».

« Avec tout ce que nous avons vu, tout ce que nous avons vécu depuis une quinzaine d'années jusqu'à ce jour, ce qui est le plus important, c'est cette population. La pression que j'ai subie, c'est pour qu'il y ait une paix durable, à l'Est du pays, particulièrement, dans la province du Nord-Kivu », a-t-il avoué.

« C'est depuis très, très longtemps qu'il y a l'insécurité et l'instabilité à l'Est du pays », a-t-il rappelé, citant le conflit tribal récurrent au Nord-Kivu, l'entrée massive et l'installation dans les deux provinces du Kivu des réfugiés Hutus en 1994, les « autres guerres » successives jusqu'à l'organisation des élections n 2006.

« Des milliers et des milliers de réfugiés Hutus étaient toujours là », a-t-il souligné, se réjouissant du fait que, « progressivement, la plupart de ces réfugiés ont pris le chemin de retour chez eux ».

Selon le chef de l'Etat, « les FDLR sont à 3 à 4.000 combattants, femmes et enfants. La bonne nouvelle à leur sujet est que, depuis le début des opérations au Nord-Kivu, 1.000 à 1.200 d'entre eux sont candidats au retour au Rwanda. Il revient à la Monuc de se déployer sur terrain et d'organiser leur retour ».

Toutefois, il y a des « noyaux durs » parmi les réfugiés rwandais. « Au fur et à mesure que ces noyaux durs se constituaient en un mouvement politico-militaire - qu'on appelle aujourd'hui FDLR, ex-Far, peu importe le nom -, la volonté du gouvernement et, surtout, le souhait de la population de la province du Sud-Kivu ont été de voir ces réfugiés rentrer chez eux. Aujourd'hui, on parle de viols contre les femmes et les jeunes filles au Sud-Kivu comme au Nord-Kivu. Et dans la plupart des cas, les responsables sont les ex-FAR, les groupes armés en général », a expliqué Joseph Kabila.

Il a stigmatisé la présence des ex-FAR/ FDLR, la création de plusieurs groupes armés en 1996, 1997 et 1998. « C'est tantôt le Pareco, tantôt les Maï-Maï qui sont éparpillés sur toute l'étendue de ces deux provinces, tantôt le CNDP, depuis 2004 et 2005 », a-t-il relevé.

Risques et résultats des opérations

En pleine phase d'application des résolutions de la Conférence sur la paix, la sécurité et le développement au Kivu tenue en janvier 2008 à Goma, le CNDP a relancé la guerre au Nord-Kivu, provoquant des déplacements de populations et des destructions.

« Il fallait trouver une solution définitive au problème du CNDP , des FDLR et des groupes armés », a indiqué Joseph Kabila, justifiant ainsi « les opérations militaires conjointes en cours, conformément à l'accord signé le 5 décembre 2008 » entre la RDC et le Rwanda.

« C'est une décision difficile, mais il fallait une solution exceptionnelle dans une situation exceptionnelle. C'est le résultat qui compte », a-t-il déclaré, signalant qu'aux termes de cet accord, « les troupes rwandaises resteront au Congo durant 15 jours, soit jusqu'au 10 février » et qu'« on fera l'évaluation des opérations ».

Le chef de l'Etat a admis avoir « pris des risques, certainement », mais s'est dit convaincu de « réussir ». Cependant, « les opérations ont permis la récupération par les FARDC de toutes les localités qui étaient sous contrôle du CNDP, notamment Kibati, Katale, Rumangabo et le poste frontalier de Bunangana, l'intégration du CNDP et des autres groupes armés au sein des FARDC, leur brassage et l'ouverture des voies de communication, dont celle reliant Goma à Bukavu au Sud-Kivu, en passant par Sake et le retour progressif des déplacés chez eux », s'est-il réjoui.

Il a affirmé que « l'opération est terminée dans le Masisi et à Rutshuru », annoncé l'« « évaluation des opérations militaires conjointes le 15 février » et « le retour dans leur pays des unités venues du Rwanda au mois de février ». Pour lui, « le mois de février est un délai à ne pas dépasser ».

A propos de l'intégration « dans la précipitation » du CNDP dont des éléments sont impliqués dans les massacres de populations civiles, il a répondu que l'intégration concerne aussi bien le CNDP que le Pareco, les Maï-Maï et les autres groupes armés du Nord-Kivu. « Mais, comme l'intégration avait été appelée mixage à l'époque, il y a naturellement des craintes », a-t-il reconnu, tout en rassurant que cette fois-ci, il s'agit d'une « intégration accélérée » garantie par la communauté internationale et la Monuc impliquée dans le processus d'« intégration par étapes » comprenant l'intégration rapide, la formation des éléments et leur redéploiement « ailleurs », hors du Kivu.

En vue d'éviter l'intégration d'éléments « non congolais », il a affirmé qu'il y a des fichiers au niveau du Service militaire d'intégration (SMI).

Les cas Nkunda et Bosco Ntaganda

Nkunda, arrêté et détenu au Rwanda, sera-t-il extradé ? « La réponse, c'est oui. Mais, c'est un processus. Ce n'est pas un sac de haricots. Le processus est politique, diplomatique et militaire », a répondu Joseph Kabila, justifiant son arrestation par le fait que « Nkunda était la tête de la rébellion, le responsable. Jusqu'à nouvel ordre, Kigali nous a informé de l'arrestation de Nkunda ».

Toutefois, a-t-il souligné, « il n'y a pas eu de marchandage entre le Rwanda et la RDC » dont « la position est que, pour résoudre la question des FDLR, il fallait trouver une solution à celle du CNDP, soit les deux à la fois ». Et ce, du fait qu'on disait, d'une part, que « Kigali avait fabriqué et appuyé directement ou indirectement le CNDP » et que, d'autre part, « Kigali et la communauté internationale accusaient Kinshasa d'avoir intégré les FDLR au sein des FARDC, ou leur apportait un appui financier ou matériel ».

« Les opérations militaires conjointes en cours visent à résoudre les questions FDLR et CNDP. L'arrestation de Nkunda n'a rien à voir », a-t-il déclaré.

Evoquant la coopération « exemplaire » de la RDC, « pays indépendant et souverain », avec la CPI en relation avec la situation du général CNDP Bosco Ntaganda sous le coup d'un mandat d'arrêt international, le président Joseph Kabila a dévoilé que le gouvernement devait lever une option, choisir entre la justice internationale et la paix, la sécurité et la stabilité « dans l'immédiat » au Kivu. « Le choix est clair pour moi dans ce sens, pour le moment. Toute autre option, qu'elle vienne de la communauté internationale ou d'ailleurs, est à écarter », a-t-il décrété.

Interrogé sur le plan Sarkozy, Joseph Kabila a rétorqué que « ce n'est pas au président de la RDC de répondre », se refusant d'engager une polémique avec le président français. « Posez- lui la question lorsqu'il sera de passage à Kinshasa », a-t-il suggéré à la presse.

« Ce n'est pas une question de richesses communes à partager. Il n'y a pas de richesses à la frontière commune avec le Rwanda. Il y a bien sûr dans le lac Kivu du gaz dont l'exploitation a déjà commencé du côté du Rwanda. Mais, entre les deux pays, avec le Burundi, il y a la CEPGL. En conclusion, tout qui doit être exploité en RDC doit se faire sur base de nos lois, nos codes minier, forestier et, bientôt, agricole », a déclaré Joseph Kabila.

« La RDC est un pays souverain. Ses décisions ne se prennent ni à Bruxelles, ni à Paris ni à Washington. Elles se prennent à Kinshasa, capitale de la République démocratique du Congo », s'est vanté le président Joseph Kabila.

Pourquoi alors le parlement n'a-t-il pas été informé de l'entrée des troupes rwandaises au Kivu ?

« Le problème que nous avons aujourd'hui en RDC, c'est que tout le monde est devenu spécialiste des questions militaires. On veut que tout le monde soit associé aux opérations militaires. Une opération militaire, c'est confidentiel », s'est-il défendu, rappelant qu'un plan militaire ne se discute pas en public.

Toutefois, a-t-il assuré, « le président de l'Assemblée nationale et le président du Sénat ont été informés. Je présume que leurs bureaux et les parlementaires ont été également informés ».

Les soldats ougandais se retirent le 14 février »

La province Orientale enregistre, depuis 2005, des dégâts collatéraux consécutifs à la présence des rebelles ougandais de la LRA. « Joseph Kony a toujours tué les populations vivant dans et autour du parc de la Garamba, enlevé plusieurs enfants et pris en otage beaucoup de gens, dont un administrateur de district », a encore déploré le chef de l'Etat. Il a appelé à ne pas distraire les gens. « C'est avant les opérations militaires conjointes qu'il y a des exactions sur la population de la part des FDLR et de la LRA », a-t-il rappelé.

« Le 13 février, les opérations en cours depuis deux mois vont se terminer. Seules les FARDC resteront sur terrain. Les soldats ougandais vont rentrer chez eux le 14 février. Depuis deux à trois semaines, la situation est sous contrôle des FARDC », a-t-il indiqué.

Quant à l'indemnisation par le Rwanda et l'Ouganda des victimes des guerres dans la province Orientale, le chef de l'Etat donné quelques indications.

« Pour l'indemnisation des victimes des guerres, particulièrement la guerre de 6 jours à Kisangani, l'Ouganda a été condamné par la justice internationale en 2005 à payer des milliers de dollars américains (tous les dommages causés en RDC sont évalués à au moins 10 milliards Usd, ndlr). Les contacts sont en cours entre Kinshasa et Kampala à ce sujet. A deux reprises, j'en ai discuté avec le président Museveni. Je n'ai pas une date pour l'indemnisation de ces victimes », a-t-il répondu.

Décapiter la « maffia »

« Au Kivu et en Ituri depuis 1994, il y a une sorte de maffia constituée autour des groupes armés. C'est presque chaque tribu qui a une milice au Nord-Kivu, au Sud-Kivu et en Ituri.Et il y a toujours des tireurs de ficelles, soit sur place au Kivu ou à Kinshasa », a constaté le président Joseph Kabila.

Il a promis de « décapiter complètement et une fois pour toutes cette maffia et ces groupes armés, désarmer et démobiliser complètement tous les miliciens afin qu'il n'y ait qu'une seule armée, une police nationale déployée sur tout le Kivu et une administration organisée après la tenue des élections locales ».

Cinq chantiers, J. Kabila « pas satisfait »

« On a déjà démarré les Cinq chantiers dans chaque province, on a déjà signé un accord avec trois sociétés chinoises et on a conclu un plan d'action », a déclaré le chef de l'Etat, annonçant des décaissements d'environ 3 milliards Usd à raison de 700 millions Usd en 2009, un (1) milliard Usd en 2010 et 750 millions de dollars.

Nonobstant les travaux en cours à Kinshasa et dans les autres provinces du pays, il n'est « pas satisfait », du fait que « nous n'avons pas encore atteint la vitesse de croisière. Parce qu'il fallait, a-t-il spécifié, commencer par l'élaboration d'un plan de mobilisation des moyens techniques (études de faisabilité, équipements) permettant la mise en œuvre des Cinq chantiers et déployer le matériel sur terrain, à partir de Kinshasa.

A propos d'éventuelles répercussions de la crise économique mondiale sur l'exécution des Cinq chantiers, il s'est voulu rassurant : « le prix du cuivre est de 3.500 à 4.000 dollars la tonne. A ce niveau, il n'y a pas de quoi s'inquiéter sur la réalisation des Cinq chantiers ».

Mais, sa crainte porte sur la manière de « diversifier » l'ensemble de notre économie, aujourd'hui que le carat de diamant est à 15 dollars, alors qu'il se vendait 200 dollars il y a quelques années.

D'où, l'urgence de se tourner vers l'agriculture, qui est le fondement de l'économie. « Avec nos 700 tracteurs, la mécanisation de l'agriculture est la solution envisagée pour accéder à l'autosuffisance alimentaire, à importer moins de vivres et à exporter plus. Aujourd'hui, on importe la viande, le poulet, le poisson, les pommes, etc. », a-t-il dit. Il faut donc augmenter la production locale, stabiliser le Franc congolais et instaurer la discipline dans la gestion.

« Vous constaterez que depuis trois mois, je n'ai plus voyagé à l'étranger. Pour faire voyager le président de la République en Afrique du Sud, il ne faut pas moins de 400.000 dollars. En dix voyages, cela fait 4 millions de dollars qui auraient pu financer d'autres projets ! », a-t-il encore expliqué.

Quant à la résorption du chômage de la jeunesse, lui même étant jeune, Joseph Kabila s'est exclamé : « J'ai 37 ans, je ne suis plus jeune !».

« La crise économique n'est pas une fiction. Elle est réelle. Un plan global de sortie de crise est en élaboration. Il sera adopté à la prochaine réunion du gouvernement », a-t-il révélé.

Pour lui, la solution réside dans l'encadrement de la jeunesse qu'il faut orienter vers l'agriculture et les grands travaux. « Je vois ces jeunes quitter l'arrière-pays pour se rendre dans la capitale. Mais, il n'y a rien à Kinshasa, où il y a 7 à 8 millions d'habitants. On va organiser un recensement scientifique de la population à travers le territoire national.

Il a promis, pour le mois de mars prochain, un « correctif budgétaire » selon l'évolution économique du pays, le dollar se changeant contre 720 FC le samedi 31 janvier 2009 alors que le taux de change inscrit dans le budget est de 585 FC.

« Notre objectif, c'est la stabilisation de notre monnaie sur le marché de change », a-t-il déclaré.