mardi 17 février 2009

La Grève du Personnel Public Soignant au Burundi : Phénomène Sournois : Quid ?

lundi16 février 2009

Le Burundi connaît ces derniers temps quantité de grèves des fonctionnaires de l’Etat. Pourrions-nous citer en passant la grève des Enseignants (Primaire, Secondaire, Université), des Magistrats, des Journalistes… L’on ne peut s’empêcher d’évoquer avec grande peine le cas le plus scandaleux et le plus alertant : celui du personnel public soignant débuté le 15 Novembre au 19 Décembre 2008. Ce cas suscite notre attention particulière. Nulle part ailleurs au monde, avons-nous, à la lumière des faits historiques, connu une grève du personnel public soignant qui a duré deux semaines et plus ! En face de cette situation macabre, pouvons-nous décrire cette grève comme un nouveau phénomène sournois au Burundi ? ou alors l’inscririons-nous dans la logique de dialecte historique de l’après -indépendance au Burundi (1962) ? ou tout simplement une tentative expressive d’une « démocratie manquée » ? Peu importe la réponse cernée à ces questions, que celle-ci fasse preuve d’une analyse rationnellement posée.

Force est de constater qu’au Burundi plus le pays tenterait d’avancer vers la « démocratie » plus s’enregistrent nombre de grèves. De fait, ce constat n’est pas un phénomène manifeste à gratuité, au-delà de lui, se situe un « noumène » d’évolution historique burundaise dont la découverte vaut le prix. Ce noumène semble paradoxalement nous interroger sur le défoncement d’une trajectoire d’évolution économique qui s’imposerait sur l’évolution des structures sociopolitiques. Le phénomène actuel des grèves, empièterait-il sur le développement ou sur la démocratie au Burundi ? Dans cette même logique, le contexte actuel du Burundi nous permet-il de cibler un développement sans nécessairement « démocratiser » les structures sociopolitiques constituant le stratum social ? Dans le contexte de post-guerre comme celui que vit le Burundi, le développement veut dire ipso facto développement ou plutôt une « démocratie » impliquerait le développement ? Voilà la zone de lobbying où semble bouturer toute la problématique de salaire au Burundi, souvent sous l’emblème de grèves en cul-de-sac.

Perdurant plus de deux semaines, cette grève a sans aucun doute manifesté des attitudes qui déferlent un « danger de mort au Burundi ». En même temps, un danger à la dignité humaine d’autant plus que le gouvernement burundais semblait face à la question de vie ou de mort, ne pas prendre le taureau par ses cornes. En effet, des malades se sont vus engloutis dans cette forme de fatalisme face à la vie que doivent protéger, et le gouvernement, et le personnel public soignant par la nature elle-même de leur responsabilité. Dans cette situation, d’aucuns ignorent, inclus les autorités burundaises et les médecins, combien la vie de plusieurs Burundais était compromise dans cette grève, surtout en voulant précipiter des vies entières vers le supplice du Satan, vers la supplication de la mort !

Peu importe les réactions et revendications dans tel ou tel autre secteur du pays. Quelques valides soient-ils, les arrangements de salaire à l’amiable semblent ne pas être de mise dans le contexte actuel du Burundi. Le principe de type « primus inter pares » (le premier parmi les égaux) ne peut plus se greffer au phénomène actuel. Aujourd’hui plus que jamais, il est question de sauver la dignité humaine au Burundi, aussi longtemps que celle-ci légitime les mêmes droits de vie et qu’elle est équitablement impartie à tous les Burundais. Du paysan qui est mis au ban de l’empire jusqu’au président de la république censé être le « père de la nation », la survie humaine par la santé est un point fondamental dans le processus de clôture opérationnelle de tout vivant humain.

Cependant, au-delà de l’émotif ou à la sensibilité liée aux intérêts que tel secteur ou tel autre du pays réserve aux enjeux politiques, il vaille vieux faire appel à notre conscience rationnelle. Celle-ci privilégie une approche critique et sans faux-fuyants en réconciliant la « démocratie » et le développement et vice-versa. Dans ce processus, les preneurs de décisions devraient se débattre à remplir le fossé entre les différentes structures de stratification sociale dans le seul souci de réhabiliter cette dignité, sous-entendue « Ubuntu » pour tous les Burundais. Partant, sans une transformation fondamentale de structures sociopolitiques régies entre le paysan et l’alphabétisé, le petit et le grand fonctionnaire, le formé et l’érudit, l’élite et le politicien ou le commerçant et l’officiel de l’Etat, le Burundi court le risque de s’enfoncer dans une « démocratie » figée contre le développement attendu de celle-ci.

A fortiori, le défi de grèves en général, et celui de la grève du personnel public soignant en particulier au Burundi, sa réponse se situe au niveau de la conception de « démocratie » spécifique aux Burundais et son corollaire le développement ou alors vice-versa. Ainsi, une solution quelconque à une grève dans un secteur donné du pays ne résout pas le défi de grèves plausibles dans d’autres secteurs. Ceci dit, la solution classique de négociations privées pour mettre fin à une grève (actuellement, par exemple deux personnalités ont été choisies pour mener les négociations dans le secteur médical) est une miniature de solution, c’est dire une micro-solution dans un contexte de macro-structure de problèmes que connaît le Burundi. Ainsi, pour relever ces défis de grèves, les dirigeants burundais devraient faire signe d’une souplesse d’esprit et d’une largesse de l’âme. Ceci se concrétiserait par la mise sur pied des mécanismes ralliant la « démocratie » au développement, et vice-versa. Le gouvernement actuel devrait in concerto accepter le risque de transformer les structures sociopolitiques, dont le défi majeur à relever en rétrécissant la disparité de salaires entre fonctionnaires de l’Etat.

Si aujourd’hui des vies humaines au Burundi sont compromises dans leur dignité, de quel type de « démocratie » pouvons-nous parler ? ou par quel chemin du développement décidons- nous d’embarquer ? En effet, que ce soit la « démocratie » ou le développement, il est question de partenariat entre les citoyens d’un même pays en vue d’une vie qui soit la meilleure possible pour tous. A ce sujet, Aristote nous dira que chaque cité-état (pays) accepte une forme de partenariat entre ses citoyens seulement si ce partenariat garantit une meilleure vie possible. Ce Partenariat implique que tous les accords (programmes de politiques publiques) légitiment loyalement cette vie qui soit la meilleure possible. Cependant, si au Burundi s’enregistrent des grèves de toute sorte, en particulier celle du personnel public soignant qui s’est imprimée dans le temps en face des vies en péril, ces grèves s’élèvent-elles contre une meilleure vie en partenariat démocratique ? Ceci serait paradoxal dans la philosophie d’organisation sociopolitique. Certes, si grèves l’on constate au Burundi, c’est une expression d’un signe de processus de maturation politique nous en convenons, mais dont le partenariat est à redéfinir. Accepter la « démocratie » (insinuer dans ce partenariat) dans un pays comme le Burundi, c’est non seulement accepter d’être un citoyen preneur de décisions, mais aussi et surtout d’être soumis aux décisions prises par d’autres citoyens. Si le gouvernement accepte les arrangements à l’amiable vis-à-vis le défi des grèves, il reconnaît la pertinence du coût de la vie d’un citoyen burundais aujourd’hui. Mais en même temps, le gouvernement se souscrit indirectement à la logique que le dynamisme dialectique dans l’histoire du Burundi exige un partenariat actualisé. Ce nouveau partenariat doit légitimer une vie acceptable, c’est-à-dire le standard minimum de vie (santé, éducation, logement, nutrition etc.) entre les citoyens Burundais. Par contre, la situation ponctuelle entre les fonctionnaires de l’Etat au Burundi, sans pour autant évoquer celle du paysan qui est amèrement déplorable, met en cause le partenariat actuel. Le seul critère qui justifierait aujourd’hui n’importe quel partenariat entre les Burundais doit garantir un standard minimum de vie. Par extension, la conception du vrai développement privilégie d’abord le renforcement des capacités à maintenir, et à améliorer de surcroît le même standard de vie du citoyen burundais. Dans ce processus, si les structures sociopolitiques sous-tendent la santé, la nutrition, le logement, l’éducation etc. comme une garantie structurelle pour tout Burundais, peu importe les stratifications sociales, celles-ci se justifieront manifestement par elles-mêmes comme démocratiques. S’il se note une certaine distorsion contradictoire entre ce qui est dit actuellement au Burundi « démocratie » et le sous-développement notoire dans certains secteurs notamment l’agriculture et l’élevage, la qualité nutritive, la médiocrité du logement, ainsi la question de « salaire » manifestée dans les grèves est pertinemment légitime. Après tout dans un pays comme le Burundi, l’on ne cherche pas à développer « les choses » chez le Burundais au standard occidental, mais plutôt l’on chercherait à sauver le Burundais contre le sous-standard de vie, donc à le développer en soi. Par le développement, l’on se préoccuperait à assurer à tout Burundais le minimum vital en vue de réhabiliter la dignité humaine dans ce pays dont la majorité de gens a été meurtrie depuis des années.

S’attardant un peu sur la question de salaire, il est besoin de noter qu’au Burundi le peu d’activités auto-génératrices de revenu sont moins diversifiées. Par conséquent, le salarié de l’Etat n’a d’autres sources que son salaire, ce qui fait que la question de motivation des salariés fait des remous dans différents secteurs de la vie sociopolitique et économique du pays. Dans ce contexte, l’analyse radicale du concept « salaire » fait du fonctionnaire burundais son « être-autre ». En effet, selon l’expression de Karl Max à travers le travail, l’homme accepte une forme d’ « objectification » de soi, celui-ci se met littéralement dans le produit de son travail. Ainsi, le travail devient un « être-autre » pour l’homme. Or sans le salaire adéquat, l’Etat a du mal à maintenir l’homme au travail sans mécontentement. De fait, par nature, le travail aliène l’homme, inclu le Burundais puisqu’il ne fait pas exception d’homme. Par contraste, par le salaire adéquat (dans le sens de maintenir le standard minimum de vie) l’homme est racheté de son aliénation. Ainsi, dans le contexte actuel du fonctionnaire d’Etat au Burundi, le salaire justifie son « être-autre ». Le travail ennoblit l’homme seulement si ce travail l’aide à redécouvrir sa dignité là où elle est bafouée. D’où la justification des grèves au Burundi une fois qu’une catégorie de fonctionnaires de l’Etat ne se sent pas protégée et honorée dans sa dignité par le travail accompli.

Ainsi, face à ces remous entre différents secteurs du pays, entre petits et grands fonctionnaires, entre le paysan et l’alphabétisé, entre l’élite et politicien, le commerçant et l’officiel de l’Etat, le gouvernement burundais doit se résoudre à prendre en main cette question de grèves à travers une transformation des structures sociopolitiques. La question de grèves au Burundi doit se solutionner à plusieurs niveaux d’autant plus que le pays connaît une macro-structure de problèmes exigeant une souplesse de solutions. Tout d’abord le défi de grève du personnel public soignant comme celui de grèves dans d’autres secteurs est une question d’administration sociale et l’étude des services sociaux. Ici, il est question de relier les besoins fondamentaux (le standard minimum de vie) aux sources disponibles au pays. Ainsi, une politique publique bien définie s’avère nécessaire ( accords constituant le partenariat), l’analyse de la nature des ressources disponibles, l’analyse du concept lui-même de « besoins prioritaires », les mécanismes de distributions de revenu et la méthode par laquelle ces distributions prennent place. Pourquoi l’officiel de l’Etat (Président, le ministre, le sénateur, le député et tout autre grand fonctionnaire) qui bénéficie déjà un salaire criant devrait profiter davantage des privilèges de logement, de déplacement, de santé non moralement calculés contre le paysan moribond dans son agriculture et élevage, et contre le petit fonctionnaire avec un salaire macabre qui patauge à payer son loyer et assurer les frais de déplacement ? Entre le magistrat, le policier, l’officier et le médecin qui protège mieux la vie du Burundais plus que l’autre ? Pourquoi les secteurs de non production de bien (l’armée, la magistrature) sont mieux traités contre les secteurs de production de bien (l’agriculture et l’élevage) ? pourquoi confondre les postes politiques et techniques dans un pays mal en point économiquement ? Voilà le nœud de toute cette problématique de grèves au Burundi. Le dénouement du défi de grèves se trouve incarné dans ces questions.

Pour dénouer définitivement cette problématique de grèves au Burundi, la solution se situe dans le rapprochement réaliste entre la « démocratie » et le développement par une harmonisation de structures sociopolitiques ici et maintenant. Dans ce processus, la question éthique (attitudes et valeurs) impliquant la paix et la réconciliation par une co-existence fraternelle à travers une cohésion sociale, le patriotisme et la socialisation se veut être de rigueur. Ainsi, l’exigence du personnel public soignant (53 milliards de francs burundais dans leur secteur) est contre les valeurs éthiques dans le contexte économique du Burundi. Le personnel public soignant se contredirait par leur serment en voulant s’attaquer indirectement au paysan qui est déjà non seulement malade, mais aussi moribond économiquement alors qu’il est supposé être protéger dans sa santé, et par le gouvernement, et par le médecin. S’il faut honorer aux supplications du personnel public soignant dans la logique qui se méfie de l’altruisme, le paysan va tomber dans le coma économique puisque l’état va chercher à serrer les vices contre lui en augmentant les taxes dans les activités qui assurent la survie de la populace. Dans ce contexte, qui aura sauvé qui ? C’est là où doivent s’imposer les critères éthiques dans les décisions politiques actuelles. Dans le même ordre d’idée, le gouvernement en faisant sourde oreille face aux restructurations sociopolitiques, serait en train de se renier par lui-même, et par là, foncer dans le refus du couple démocratie-développement typique au Burundi que l’histoire actuelle de ce pays réclame sans cesse.

Cependant, nous ne rêvons par ici à une société burundaise égalitariste ou éprise par l’utopie karmaliste du communisme. Loin de là ! Dans n’importe quelle société, la pratique démocratique et les différents idéaux de justice sociale n’impliqueraient jamais les mêmes obligations, les mêmes droits, les mêmes privilèges, et par-dessus le marché, les mêmes emplois et salaires des fonctionnaires, des citoyens tout court. Et pourtant, les critères d’évaluation de justice sociale et valeurs démocratiques se positionnent en défense de droits de l’homme par une méthode primordiale de gestion d’emplois et de salaires, se basant sur le statut social et la mérite, et non sur la capacité du secteur du pays (comme l’armée, la magistrature) à pouvoir nuire aux intérêts du dirigeant politique. Au Burundi, personne ne serait contre une hiérarchie dans la répartition des emplois et salaires dans les différents secteurs du pays. Toujours est-il que cette hiérarchie se veut légitime si et seulement si elle a été atteinte à partir de la position initiale d’égalité de chance. Ce qui n’est pas valide dans le contexte du Burundi. Dorénavant, ce que le concept « démocratie » prototype burundais réclame en criant à tue-tête aujourd’hui, ce n’est pas nécessairement l’inégalité de salaire entre les différents fonctionnaires du pays, mais surtout peser par les valeurs morales l’altruisme contre l’égoïsme des classes dirigeantes à travers les privilèges irrationnels non fondés sur l’égalité dé chance de tous les Burundais, et ne tenant pas compte de la réalité des conditions socio-économiques du pays.

En définitive, le défi de grèves accrues ces dernières années en général, et celui de la grève du personnel public soignant en particulier, dépêche en clair les attentes fondamentales face à l’avenir proche du Burundi. Le processus de mutation politique actuelle, ce que nous pouvons appeler « dormance de maturation démocratique » qui est un moment d’enjeux démocratiques délicats, nous cautionne pertinemment face à un choix à opérer pour la dignité du peuple burundais. Devant nous déferlent deux principales virtuelles voies en face de la réalité sociopolitique du Burundi. Par respect à la dignité du peuple burundais, nous acceptons d’entrer résolument dans une voie réellement démocratique ou alors par méfiance à cette dignité et par la possession instinctive de gloire personnelle, nous demeurons dans une voie de « mythe démocratique ». Si nous défendons la dignité humaine, et que nous optons pour la voie démocratique, nous sommes amenés à polir les structures sociopolitiques insinuant le rapprochement réaliste entre « démocratie » et développement. Dans ce contexte, une politique publique expertisée devrait se creuser à concrétiser ce rapprochement politique inter alina par les mécanismes d’harmonisation de salaires des fonctionnaires, à faire le « mea culpa » au paysan burundais livré presque à son propre sort, sans pour autant exiger l’impossible au gouvernement (par exemple les 53 milliards de francs burundais exigés dans le secteur médical, même si les négociations continuent… cela semble aberrant dans le contexte actuel du pays) et la répartition rationnelle du revenu national ( budgétisations et allocations) dans les secteurs prioritairement définis pour profiter à une grande partie de la population. Ainsi, au couple démocratie-développement va se greffer une vraie réconciliation et une paix durable pour tous les Burundais. Si nous choisissons l’opposé, c’est-à-dire à prôner aux Burundais « un mythe démocratique », nous ne pourrions que continuer à vivre l’auto-destruction par le cercle vicieux de guerres et de misères sans égal.

Par Dusabe J-Claude(in iwacuburundi)