mardi 12 mai 2009

Grève des médecins au Burundi: Serment d'hypocrites ou piège à la démocratie?

Le Burundi un des pays les plus pauvres du monde, qui, depuis des décennies a toujours compté parmi les pays sous-développés, et non démocratiques, se heurte aux réalités de la démocratie assassinée en 1993 puis resuscitée après de âpres et longues négociations couronnées par des élection de 2005 et la victoire du parti CNDD FDD.

Bon an mal an , les structures démocratiques se sont mises en place progressivement offrant un nouvel espace aux revendications sociales, à la critique des médias ainsi qu'au débat démocratique. Nul ne peut se targer de se trouver dans un pays où "tout va bien" , mais le mérite est de constater que nonobstant les élucubrations d'une jeune démocratie, des pas de tortue laissent des traces bien visibles d'un décollage vers des changements plus circonspects.

Dans le cadre de la santé le burundi a pris les devants pour s'aligner dans la perspective des objectifs du millénaire décrétant, la gratuité des soins aux enfants de 0 à 5 ans ainsi que la prise en charge des femmes enceintes. Selon des rapports de l'Unicef, des progrès considérables ont été observés en matière de santé plus spécifiquement, la réduction du taux de mortalité infantile et la mortalité maternelle à l'accouchement.

C'est sans compter avec la crise mondiale, dont les effets commencent à imprimer leur marques sur le continent africain au risque de mettre à mal les efforts déjà consentis en faveur du développement, de la paix et de la démocratie .
Nous nous trouvons aujourd'hui, selon la banque mondiale, à un tassement brutal de l'économie africaine en général et burundaise en particulier.
Les pays riches, plombés par leurs déficits, revoient à la baisse l'aide au développement, cruciale pour les pays les plus pauvres, (en ce compris le burundi, faut-il le rappeler!) ce qui a comme conséquence la diminution des revenus, les risques de perte d'emplois.
Pendant que des sacrifices sont demandés aux populations européennes riches en vue de juguler au mieux cette crise, au Burundi, l'un des pays les plus pauvres de la planète, les médecins trouvent une opportunité pour lancer et durcir leur revendications quel paradoxe?
Il est vrai qu'il existe une forte disparité de revenus entre les différentes professions au burundi, ce qui n'est pas un fait nouveau. Les médecins ne sont pas les seuls dans cette situation.
Conscients des enjeux électoraux, les médecins ont bien voulu frapper là où le bas blesse: c'est-à-dire remettre en question l'une des réalisations majeures du gouvernement actuel. Cette grève illimitée et sauvage mettrait à dos le gouvernement qui, pour des raisons électorales céderait facilement aux revendications des médecins.

Mais pourquoi le gouvernement ne se laisse-t-il pas mener sur ce terrain. Deux hypothèses pourraient bien étayer cet état de fait:

Primo, céder face aux médecins, en leur octroyant un chèque en blanc, entraînerait une réaction en cascade des autres corps de métiers qui méneraient à leur tours des grèves au finish. Le gouvernement a donc intérêt à aborder la question dans son ensemble en vue d'éviter l'effet domino qui paralyserait toute la société burundaise: personne n'en sortirait gagnant...

Secundo, les médecins ne constitueraient pas la base des corps de santé au burundi. Les infirmiers, infirmières et accoucheuses offrent des services de proximité surtout dans le monde rural désherté par un bon nombre de médecins. En effet trè peu de médecin courageux et volontaires s'engagent dans le monde rural.

Ceci renforcerait la conviction du pouvoir en place de ne pas perdre son crédit vis-à-vis de son électorat rural soit 95% de la population qui, malgrè la grève ,continue à bénéficier des soins dans les centres de santé qu'ils fréquentent!


C'est dans ce contexte où les retournements économiques en Afrique provoquent des effets très directs sur les populations vu que les besoins y sont énormes que les médecins du Burundi, faisant usage de leur droits démocratiques, sont parti en grève depuis quelques mois avec comme revendication majeure, l'augmentation des salaires. Des négociations ont été entammées avec le gouvernement, en place sans pouvoir aboutir à des accords satisfaisants pour les deux parties. Aujourd'hui, les médecins qui assuraient un service minimum, ont durcir le ton suspendant même le service minimum qu'ils assuraient.

Comme on peut très bien le constater, la crise semble être l'élément déclencheur de cette grogne des médecins. Comme pour beaucoup de pays africains, le Burundi a du mal à limiter les conséquences de cette crise. Il en est de même pour les pays développés où les conséquences sont, bien entendu, bien moins dramatiques.
La dépendance du Burundi par rapport aux aides est une structure héritée des pouvoirs qui se sont succédés. Les malaises du médecin burundais, ne sont pas le fait du pouvoir actuel, mais une situation qui se place dans le contexte historque du burundi. Ce qui laisse à croire que, in fine ,la vrai raison de cette grève des médecin aurait un mobile autre que l'unique revendication salariale, ce qui fera objet d'une autre analyse.

Les pièges de la démocratie ou sermon d'hypocrites?

Ce genre d'action aux conséquences directes sur la santé et la vie des individus pose un vrai problème de droit. Jusqu'où peut-on légitimer une action dont les conséquences portent atteinte à l'intégrité physique des individus? Le cumul de prestations publiques et privée permettent-elles aux médecin d'exercer conscientieusement leur métier. L'abandon de poste volontaire ayant entraîné la mort d'individus, ne pourrait-il pas être assimilé à un crime? Ou à défaut relever d'un cas de non assistance à personne en danger?
Faire usage de ses droits de grève est une démarche démocratique, en abuser relève d'un autre facteur qui ne cadre pas avec les principes de base de la démocratie notamment le respect de la vie humaine.
La démocratie contient en elle-même des germes de son opposé. Le cas de la grève des médecins constitue un cas d'espèce où la démocratie est bel et bien piègée.
Le sermon d'hypocrate perdrait de toute sa substance au risque d'être percu comme un sermon d'hypocrites . Ce qui n'est pas le cas pou bon nombre de médecins burundais, fort heureusement.

Eviter d'aller droit dans le mur

Le burundais a pris l'habitude de scier la branche sur laquelle il est perché. Et de ne crier au secours que dans sa chute vertigineuse vers le sol.


Visiblement, l'action des médecin a un sous entendu qui ne dit pas son nom car il ne s'inscrit pas dans la logique universelle des négociations. Le gouvernement ayant consenti à une majoration allant à plus ou moins 200 pour cent il était tout a fait logique que les syndicats des médecins fassent montre de leur bonne foi.
Quand le gouvernement propose 450.000.000 de Francs burundais en lieu et place de 150.000.000 , cela méritait que les médecins assurent ne fut-ce que le service minimum.

Il sied de proposer quels recommandations générales afin d'éviter le mur:


A l'avenir, le pouvoir devrait légiférer sur la tenue des grèves et surtout sur le service minimum à l'instar des grandes démocraties d'Europe afin d'éviter qu'il y ait mort d'hommes ou toute autre conséquences pouvant nuire aux intérêts de la société. Toutes les zones d'ombres par rapport à ces questions devrait être évacuées par la clarté et la complétude des textes de loi.


Le renforcement de la commission chargée d'analyser la question de la disparité des salaires au Burundi notamment dans ses objectifs et champ d'action afin qu'à l'issu de ses enquêtes et travaux elle puisse faire des recommandations durables d'harmonisation effective des salaires à tous les niveaux.

Blocquer les revenus élevés et augrmenter progressivement les bas revenus pour ne pas faire porter cette lourde charge sur l'exercice budgetaire d'une seule année.

Eviter le mimétisme aveugle. En effet, d'aucuns cherchent toujours à comparer la situation du Rwanda à celle du Burundi deux pays qui depuis 15 ans ont un parcours différent. Le Rwanda a bénéficié des aides bilatérales, multilatérales diverses 15 ans durant pendant que le burundi était en pleine guerre. Cela fait 15 ans que le Rwanda a eu l'opportunité de se reconstruire pendant que pour le Burundi, les travaux d'infrastructure n'ont commencés qu'en 2005.
Le rwanda est "perfusé" par la communauté internationale par des aides à fonds perdus, en signe de mea culpa suite à son inaction face au génocide. ce qui n'est pas le cas du Burundi qui doit encore montrer "carte blanche" pour des aides qui ne permettent même pas de réaliser le 1/1000 ème de son programme de développement. Le Ministre Belge de la coopération au Développement en sait quelque chose...
Rien que l'exemple de la belgique est éloquent. En effet en matière de coopération au développement, le Rwanda bénéficie du double si pas du triple du budget alloué au Burundi. Encore faut-il analyser l'orientation de ce budget. On pourrait égrenner une série d'autres partenaires tant bilatéraux que multilatéraux pour montrer que le burundi est à ce jour un parent pauvre de la coopération. Même si la tendance tend à une certaine "normalisation".
Le Burundi vient à peine d'obtenir l'annulation de ses dettes, ce qui fut fait depuis belle lurette pour le Rwanda.
Par ailleurs,faut-il que le burundi aille saper la sécurité du congo pour modifier la trajectoire des minerais congolais et trouver de quoi booster son économie?

Dans l'analyse transactionnelle, le principe de base de la négociation est de rendre les parties opposées ou en conflit dans une position gagnant-gagnant sans y laisser trop des plumes. Ce principe devrait bien guider les différentes parties dans les négociations afin que tout en visant l'intérêt général, les intérêts spécifiques soient aussi rencontrés.