mercredi 14 octobre 2009

Somalie: Une force gouvernementale pour quoi faire ?

Compte rendu: Une force gouvernementale pour quoi faire ?
LE MONDE | 13.10.09 | 15h26 • Mis à jour le 13.10.09 | 15h27

Johannesburg Correspondant régional

Les autorités de transition somaliennes reviennent de loin. En proie aux attaques de groupes insurgés islamistes à Mogadiscio depuis la mi-mai, elles n'ont échappé à la dislocation que grâce à la protection des soldats africains de la mission de l'Union africaine en Somalie (Amisom). Le Gouvernement fédéral de transition (GFT) reste cantonné à quelques poches dans la capitale. Sera-t-il plus en position de rétablir à la fois l'Etat, la sécurité et l'unité nationale somaliens avec des forces de sécurité entraînées par les Européens, les Etats-Unis et d'autres pays africains, Rwanda et Burundi en tête ?


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Abonnez-vous au Monde.fr : 6€ par mois + 30 jours offerts Les acteurs en présenceLe Gouvernement fédéral de transition (GFT) ne dispose pas de forces propres, mais repose sur une alliance entre groupes issus de la mouvance islamiste (anciens Tribunaux islamiques), de milices claniques et de groupes implantés dans différentes régions.

L'Amisom (Mission de l'Union africaine en Somalie) compte 5 200 hommes, des Ougandais et Burundais, basés à Mogadiscio.

Les insurgés Les deux groupes principaux sont les Al-Chabab et Hizbul Islam. Depuis début octobre, ils se battent entre eux. Aucun groupe ne parvient à mettre en ordre de bataille les milliers d'hommes qu'ils affirment compter dans leurs rangs. Les chabab ont recours à des attentats-suicides et à des explosifs commandés à distance.

En août 2008, était signé à Djibouti un accord entre les représentants du GFT et des groupes d'opposants appartenant à l'ex-mouvement des Tribunaux islamiques. Il s'agissait de rapprocher des tendances politiques opposées, plus que de faire le tri entre "modérés" et "extrémistes". C'est du reste un ancien responsable des Tribunaux islamiques, Cheikh Shariff Cheikh Ahmed, chassé de Mogadiscio en décembre 2006 par l'invasion de troupes éthiopiennes soutenues par les Etats-Unis, qui allait être élu à la tête de la nouvelle entité politique, laquelle conservera l'appellation GFT.

Le GFT avait un défaut. Il mettait à l'écart une partie des responsables de la mouvance islamiste. Ces derniers allaient réorganiser une série de mouvements insurrectionnels, recevant pour certains l'appui de combattants étrangers (plusieurs centaines), et s'attaquer à la fragile structure du GFT.

"Evanouies dans la nature"

Depuis l'année précédente, l'Amisom avait été déployée à Mogadiscio. Ses soldats ougandais et burundais, dont le nombre atteint 5 200 hommes, ont sauvé le GFT, mais se trouvent de plus en plus impliqués dans la guerre à Mogadiscio. Les bases de l'Amisom ouvrent le feu quand elles sont attaquées, ou mènent des opérations à terre. C'est exactement ce que souhaitent les insurgés, qui cherchent à pousser l'Amisom à tuer des Somaliens pour organiser l'union sacrée du pays contre cette force étrangère.

Pour éviter cette fuite en avant, l'accent est mis sur l'organisation de forces armées, plus que sur des négociations sérieuses avec les insurgés. L'accord de Djibouti, à ce titre, prévoit la refondation des forces de sécurité somaliennes, sans prendre en considération l'éventualité que celles-ci se transforment en une faction. Lors de la conférence des bailleurs de fonds de Bruxelles, en avril, 214 millions de dollars (144,8 millions d'euros) ont été promis, dont une partie destinée à ces forces de sécurité.

Depuis, le système a déjà montré ses limites. Avant même l'accord de Djibouti, l'Ethiopie avait entraîné plus de 3 000 soldats somaliens, leur donnant des uniformes semblables aux siens, ce qui leur avait valu le surnom de "copy" en Somalie. Ces "copy " devaient initialement assurer la défense du GFT après le retrait du corps expéditionnaire éthiopien, fin 2008. Ces unités se sont démantelées d'elles-mêmes, rejoignant diverses factions. Plus inquiétant, note une source bien informée, des unités d'autres soldats formés récemment par l'Ouganda, et envoyés à Mogadiscio, se sont à leur tour "évanouies dans la nature".

Aucun commandement militaire ne semble émerger au sein du GFT, laissant planer le doute sur les capacités des 6 000 soldats qui seraient formés à l'extérieur d'opérer de manière conjointe. Pour ajouter à la difficulté, des responsables du gouvernement - dont certains sont proches du président - entretiennent des liens avec les insurgés. Il est donc envisageable que les futurs membres des forces de sécurité aillent grossir les rangs des insurgés une fois de retour en Somalie. La dernière tentative pour réorganiser une force de police sous supervision des Nations unies s'est soldée par un échec total, l'essentiel des sommes prévues à cet effet ayant été détournées.

Jean-Philippe Rémy