vendredi 16 janvier 2009

Les Burundais se désintéressent des partis politiques

Burundi
Les Burundais se désintéressent des partis politiques



(Syfia Grands Lacs/Burundi) Déçus par leurs gouvernants et par les hommes politiques qui ne pensent qu'à leurs intérêts, estiment-ils, de nombreux Burundais, intellectuels comme paysans, se désintéressent de la politique et tournent le dos aux partis. Quand ils ne les exploitent pas à leur profit.

"Inutile d’adhérer à un parti politique surtout quand on n’a pas été à l’école. Les politiciens avec des propos sucrés, pleins de promesses, qui ne sont jamais accomplies, disent qu’ils cherchent le bien du peuple. Pourtant, on remarque qu’une fois sur le trône, ils ne cherchent que leur propre intérêt", se plaint Jérémie, paysan d'une colline proche de Ngozi, au nord du Burundi. Alors que les partis politiques déjà en campagne pour les élections de 2010, multiplient les meetings, que le ton monte entre certains partis – fin décembre, plusieurs permanences du parti au pouvoir CNDD/FDD ont été brûlées –, de nombreux Burundais semblent se détourner de la politique. Recruter des militants devient plus difficile.
Les agriculteurs reprochent essentiellement à leurs gouvernants de se désintéresser des gouvernés. "Je comprends mal comment dans un pays où les gouvernants aiment le peuple, les services de santé peuvent être paralysés pendant deux semaines. Pourtant, quand c’est une question qui touche les politiciens eux-mêmes, ils ne traînent pas à courir ici et là pour trouver une réponse", déclare Oscar, lui aussi paysan de la province Muyinga toujours au nord du Burundi. En effet, durant la dernière grève des médecins en décembre, le petit peuple a crié en vain, incapable de se faire soigner chez les privés.

5% du budget pour l'agriculture
Les agriculteurs se demandent aussi pourquoi seul un petit pourcentage du budget national est alloué à l’agriculture – 5 % du budget dans la nouvelle loi de finances – alors que c'est la principale activité du pays. Du coup, les non instruits voient toujours dans les politiciens des gens qui ne sont que la cause de guerres interminables. Selon eux, aucun Hutu ou Tutsi n’aurait jamais pensé à tuer son voisin sans l’influence des politiciens. Certains se demandent même pourquoi les conventions de paix entre le gouvernement issu d’un parti majoritairement hutu et le FNL, la dernière rébellion, traînent alors qu’ils sont tous hutu.
Même les intellectuels sont déçus et découragés surtout par l'absence de bonne gouvernance dont témoignent, selon eux, les injustices, la corruption, l’oppression et l’accaparement du pays par certains dirigeants. Ainsi, sur les 38 parcelles accordées aux enseignants de la ville de Ngozi, seules 4 ont été réellement attribuées aux enseignants. Le reste a été pris par les autorités politiques administratives qui n’y avaient pas droit. De même, ils observent que des autorités s’enrichissent incroyablement sous prétexte que d'autres l'ont fait avant eux. Des gens sont tués et d’autres emprisonnés injustement. Pour les instruits comme les non instruits, les politiciens ne sont là que pour garnir leurs poches : tout ce qu’ils disent ou tout ce qu’ils font, c’est pour défendre leurs propres intérêts.

"Donne l'argent !"
Face à cette situation, chacun réagit à sa manière. "Nous ne croyons plus aux projets à long terme des hommes politiques. Nous élirons celui qui aura manifesté un intérêt local immédiat, car une fois sur le trône, ils ne pensent plus à nous. Ils oublient même ce qu’ils promettaient durant les périodes des propagande", déclare un groupe de ferrailleurs, dont Jean Hakizimana, rencontré à Kayanza. En fait, comme l’explique un mobilisateur politique d'un parti, aujourd’hui lorsqu’on approche des Burundais surtout paysans, la première phrase qu’il disent est "Donne l’argent !".
Quant aux intellectuels, certains vont se faire recruter précipitamment dans les partis politiques pour décrocher un poste, cherchant à leur tour leurs propres intérêts. C’est ainsi que certains sont membres de plusieurs partis politiques à la fois, à l'instar d'un parlementaire issu du parti au pouvoir qui finance en même temps le Palipehutu (Parti pour la libération du peuple hutu). Ailleurs, on remarque des gens qui abandonnent subitement leurs appartenances politiques pour adhérer au parti susceptible de remporter les élections.
D'autres préfèrent carrément laisser tomber les partis et la politique. François Ciza et ses amis, tous jeunes universitaires et anciens membres compétents du parti au pouvoir, l’ont quitté. Ils affirment que ce parti issu d’un ancien mouvement rebelle qui se disait combattre pour la démocratie n’avoir pas répondu à leurs attentes. Déo Nimbona, jeune licencié, refuse désormais d’être recruté dans un parti, en dépit de ce qu'on lui promet : "Je connais les politiciens. Qu’ils aillent tromper les autres, pas moi !"



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