mercredi 4 février 2009

FDLR-CNDP : fonds de commerce à Kinshasa et à Kigali

Par Le Potentiel, le 4 février 2009

La vérité est en train d’éclater. Le pan de voile a-t-il été levé sur
cette guerre qui n’en finit pas au Kivu ? S’il est toujours prématuré
de répondre à cette interrogation en attendant l’échéance de fin
février, le président de la République a tout simplement donné raison à
ceux qui affirment que le couple FDLR et CNDP sert désormais de fonds
de commerce à ceux qui en tirent le compte à Kinshasa comme à Kigali. A
la justice d’agir pour démanteler ces réseaux maffieux.

La dernière déclaration du président de la République sur
l’existence des « réseaux maffieux » au Nord et au Sud-Kivu apporte des
éclaircies autour du mystère qui entoure jusque là la « Guerre du
Kivu ». Une guerre récurrente dont on attribue la cause à des
discordances ethniques ou tribales, à la sécurité et à la protection
des minorités.

Mais la pile d’analyses sans complaisance que se sont
imposés des observateurs avertis, ont révélé que cette guerre était au
centre des enjeux économiques tant sur le plan national, régional
qu’international. A plusieurs reprises, les différentes missions
d’enquête diligentées tant par l’Assemblée nationale, le Sénat que
l’Onu, sont revenues sur cette hypothèse mais sans suite : la guerre au
Kivu est une guerre économique. Elle est soutenue par des forces
occultes qui se recrutent en RDC, en Ouganda et au Rwanda ainsi que
dans des sociétés multinationales qui tirent les ficelles pour
exploiter à moindre coût, mais illégalement, d’importantes quantités de
minerais vendues sur le marché international et qui leur rapportent des
bénéfices faramineux. Les vrais commanditaires de ces conflits armés.

A l’image du «sang sur les liannes», il y a eu du «sangs sur
les collines» à cause du diamant, l’or, mais surtout le coltan, le
manganèse et le niobium. Pour couvrir cette exploitation honteuse et
criminelle, il a fallu des prétextes, notamment les FDLR, le RCD et le
CNDP, sans oublier les milices criminelles de l’Ituri. Voilà pourquoi
toutes ces guerres n’en finissent pas, car les FDLR, le CNDP, UPC, le
RCD, tant qu’ils existaient, servaient de fonds de commerce aux
maffieux tapis à Kinshasa et Kigali, avec des antennes au Sud et au
Nord-Kivu.

Le rapport de l’Onu, la chute des cours : des couperets


Evidemment, la question qui a brûlé les lèvres de nombreux observateurs
était celle de savoir comment l’armée rwandaise, après deux guerres
d’agression contre la RDC, n’avait pas réussi à anéantir les FDLR.
Comment expliquer que la Monuc qui dispose de 17.000 casques bleus, les
FARDC ayant déployé plus de 25.000 soldats au Kivu soient incapables de
déloger les FDLR et le CNDP ? Quelle est l’origine de tous ces
scandales qui ont éclaboussé la Monuc, étalé la passivité ? Que dire de
toutes ces hésitations de l’Union européenne de ne pas déployer une
force d’interposition au Kivu ? La réponse est maintenant connue : les
enjeux ou intérêts économiques. Les « Plans Cohen et Sarkozy »
corroborent cette thèse.

Mais il a fallu la publication de ce rapport accablant des
experts de l’ONU, la chute des cours des matières premières sur le
marché international et qui sont tombés comme des couperets pour que
l’on assiste à un revirement à 180°. Les masques sont tombés avec
l’effondrement des bourses occasionnant des pertes énormes. Le jeu
devenait trop risqué et les « parrains » ont lâché les brides, tourné
le dos à leurs « alliés ».

Pour sauver les meubles, il fallait se montrer réaliste,
devenir conciliant pour s’engager dans la voie de la paix. Surtout que
le président Barack Obama qui venait de prendre officiellement ses
fonctions à la Maison Blanche avait déjà brandi la « menace de
sanctionner, de rendre responsables tous les gouvernements étrangers
qui déstabilisent la République démocratique du Congo ». Alors, le
Président de la République a crevé l’abcès : il faut s’occuper aussi de
tous ces réseaux maffieux qui se lèchent les babines avec la guerre au
Kivu.

Aller jusqu’au bout

Cette ancienne et
nouvelle donne oblige toutes les parties responsables à aller jusqu’au
bout. Il ne suffit pas seulement de dénoncer mais de permettre à la
justice d’entrer en action pour recouper les renseignements, identifier
les groupes maffieux et ouvrir des procédures judiciaires. Car il y a
eu fraude, pillage, destruction méchantes, viols, vols et mort
d’hommes. Et s’il s’avère qu’il y a des ramifications avec l’extérieur,
saisir la justice internationale pour réparation des préjudices
causées.

Au fait, si les opérations militaires conjointes, entre
d’une part la RDC et l’Ouganda, et de l’autre la RDC et le Rwanda,
visent la paix dans la région, il faut se dépouiller de l’habit du
vieil homme. Aussi, la neutralisation des FDLR, par exemple, ne doit-elle
pas s’arrêter au Kivu. Comme l’a proposé Crisis international group,
organisation non gouvernementale en charge de la prévention des
conflits, basée à Nairobi, il faut étendre l’action jusqu’à l’extérieur
du pays ou du continent. Neutraliser les responsables des FDLR qui
dirigent le mouvement à partir de la France, Belgique, Allemagne,
Etats-Unis, Canada… Que des sanctions économiques et diplomatiques
soient prises à leur endroit pour affaiblir le mouvement. Mais la
meilleure et grande action à mener parallèlement devra être politique
pour une réconciliation nationale entre les Rwandais.

Quant à la République démocratique du Congo, amener le
processus de Nairobi III à bon terme par l’endossement des accords de
Goma par l’Assemblée nationale, le Sénat, l’Union africaine, l’Union
européenne et l’Onu. Accélérer les processus des réformes,
particulièrement celle de la mise sur pied d’une véritable armée
nationale, républicaine et dissuasive. Ce sont les prix à payer pour que ces « fonds de commerce »
disparaissent à jamais, ces réseaux maffieux soient démantelés. Avec au
bout du tunnel, la sortie effective de l’auberge pour une paix durale,
une sécurité rassurante qui donneront une nouvelle impulsion au
développement des pays de la région des Grands Lacs.