(Congolite 05/02/2009)
Le désir de voir la RD Congo briser le joug de son humiliation par le Rwanda, l'Ouganda et le Burundi, supplétifs des Etats-Unis, du Royaume-Uni, d'Israël et de plusieurs multinationales du monde entier avec la complicité de Joseph Kabila et du gouvernement congolais porte en lui-même le danger de la consécration de la pensée unique. Certains compatriotes, partisans des « actions concrètes », sont tombés dans une intolérance d'une telle ampleur qu'ils qualifient les analyses théoriques sur notre pays de « conneries ». A leur avis, il y a tellement eu d'analyses sur le Congo qu'il faudrait maintenant passer aux actions concrètes. Sans nier l'existence de quelques « conneries » dans certaines publications congolaises, l'obsession pour « les actions concrètes » peut aussi cacher, chez certains de nos compatriotes, le manque de capacité d'approfondissement de certaines questions auxquelles notre pays est confronté. En
1996-1997, saluant « une action concrète », nous avions accueilli les marionnettes du pouvoir ougando-burundo-rwandaise en « libérateurs »!
L'importance de la publicisation de nos opinions
Ceux et celles d'entre nous qui s'en prennent à nos « conneries » font comme si « cette action concrète » n'en a pas été une. Donc, il y a « des actions concrètes », qui, à terme, peuvent révéler leur côté immature. Les actions porteuses de bons fruits mûrissent dans la réflexion (et la méditation) et vice-versa.
L'obsession pour « les actions concrètes » promotrices de la pensée unique est aussi révélatrice des dommages causés dans notre imaginaire par le règne Mobutiste de « papa bo...moko », négateur de toutes les valeurs humaines de la diversité d'opinions, de la pluralité de tendances, du partage et du choc des idées, du désaccord fondateur d'une autre orientation commune, etc.
A travers l'appel à « des actions concrètes », il y a, dans le chef de certains compatriotes, une fuite non-avouée de toutes ces choses qui aiguisent l'esprit d'analyse et pragmatique. L'obsession pour « les actions concrètes » serait aussi le fruit de l'ignorance du fonctionnement actuel de « grandes puissances » du monde: leur attachement à « l'expertise » et aux « Think Tanks ».
Souvent, il y a comme un oubli du rôle de rappel et de mémoire entretenue que jouent certains textes pour éviter aux acteurs de terrain de tomber dans l'amnésie à même de conduire à la répétition de l'histoire.
Nos publications peuvent permettre la synergie entre les compatriotes ayant une même vision de l'avenir du Congo. C'est le rôle même de la publicisation des opinions. « Ceux qui expriment la même opinion prennent conscience de leur identité de vues, et cela leur donne des capacités d'action qu'ils n'auraient pas eues si cette opinion identique était restée en fermée dans les limites de leur for intérieur. Moins les individus se sentent isolés, plus ils perçoivent leur force potentielle, plus ils sont susceptibles de s'organiser pour former un acteur collectif. » (B. MANIN, Principes du gouvernement représentatif, Paris, Flammarion, 1995, p.218-219)
Nos publications peuvent aussi être des essais de déchiffrage de ce que l'on croit cacher. Tel est le cas du secret de l'accord signé entre les émissaires de Joseph Kabila et le Rwanda le 5 décembre 2008. Cet accord qui a favorisé l'entrée récente (et supplémentaire) de l'armée rwandaise au Congo-Kinshasa peut être dévoilé à partir de la demande Kampala de prolonger la durée de l'offensive de son armée contre les rebelles de la LRA dans la Province Orientale de notre pays. « Cette offensive, note Marie-France Cros, ne va pas sans susciter des remous en Ouganda. L’état-major général a, en effet, été court-circuité, selon la lettre d’information Southern African Monthly Regional Bulletin (MRB, janvier 2009). C’est le fils de Museveni, le lieutenant-colonel Muhoozi Kainerugaba qui commande l’offensive, indique cette publication. MRB ajoute que l’absence de stratégie de sortie de cette opération conjointe a été
critiquée par des officiers ougandais, tandis que le représentant de l’Onu pour le Nord-Ouganda, l’ex-président mozambicain Joaquim Chissano, a mis en garde Museveni contre une sous-évaluation de la capacité militaire de la LRA. » (M.-F. CROS, L'offensive ougandaise pose question, dans La Libre Belgique du 04 janvier 2009)
La demande de prolongation de la durée de l'offensive ougandaise est liée à un secret de polichinelle: la balkanisation du Congo. En effet, écrit Marie-France Cros, « ce malaise des militaires ougandais survient alors que, selon MRB, le chef des Affaires politiques du bureau présidentiel ougandais, Moses Byaruhanga, a déclaré que Kampala appuierait... une fédération des provinces congolaises du Kivu et Orientale, voire leur indépendance si Kinshasa l’acceptait. Ce point de vue serait soutenu par le porte-parole de l’armée ougandaise, le major Felix Kulayigye, qui a évoqué le précédent du Sud-Soudan, dans l’attente d’un référendum sur son autodétermination. Il s’agirait, selon MRB, de stabiliser la région. » (Ibidem. Nous soulignons)
A qui profiterait l'indépendance du Kivu et de la Province Orientale? A l'Ouganda et au Rwanda?Ces deux pays font tout pour que leurs rêves se transforment en réalité. Et Joseph Kabila et son gouvernement jouent le jeu.
Le rêve de Museveni n'est pas différent de celui de Kagame
Pour rappel, Kagame fut « le numéro deux des renseignements militaires » en Ouganda sous le règne de Museveni après qu'il ait renversé Milton Obote. Beaucoup d'autres Tutsis Rwandais lui ayant prêté main forte ont occupé des fonctions importantes dans l'armée ougandaise avant que Museveni, poussé par la pression populaire, ne les aide à réaliser leur coup de force au Rwanda contre Habyarimana le 06 avril 1994. Ce faisant, il cherchait à étendre son influence à travers toute l'Afrique centrale.
Museveni et Kagame avaient signé des accords qui ne cessent de livrer leurs secrets avec Laurent-Désiré Kabila avant qu'il ne renverse Mobutu et prenne le pouvoir au Congo le 17 mai 1997. Donc, nous sommes là face à « un duo » travaillant continuellement ensemble, malgré la guerre de Kisangani. Il est supporté par les mêmes parrains.
Se confiant à Alain Chevalérias lors d'une interview, un colonel français ayant participé à l'opération Turquoise lui donne des preuves de ce soutien. « Aujourd'hui,lui dit-il, l'Ouganda de Museveni est un régime totalitaire. On voit aussi les Etats-Unis travaillant à structurer l'alliance entre Kampala et Kigali, entre Museveni et Kagame. Par exemple, après la victoire de ce dernier au Rwanda, c'est le génie des forces armées américaines qui ont refait la route entre les deux capitales. Washington a aussi fourni des blindés M113 et d'autres équipements militaires à l'armée tutsie victorieuse. »
La structuration de cette alliance se fait aux dépens des frontières héritées de la colonisation et des vies humaines congolaises. A travers le MRB, le pouvoir politique de Kampale en dévoile l'un des soubassements. Celui-ci n'est rien d'autre que la reconduction des accords signés avec Laurent-Désiré Kabila. A travers le MRB, l'Ouganda rend service aux Congolais occupés à demander que le contenu de l'accord signé le 5 décembre 2008 soit dévoilé au cours d'une probable rencontre des députés en session extraordinaire.
Ce service devrait inciter « les retardataires » Congolais sur cette question à rejoindre ceux de leurs compatriotes qui, depuis l'entrée de l'AFDL, ont mis la main sur les accords de Lemera et luttent au quotidien pour que la balkanisation du Congo ne se réalise pas.
Réduite à sa plus simple expression, la question congolaise est celle de la création des colonies de peuplement par des criminels de guerre, des criminels économiques et des criminels contre l'humanité. Que faire?
Le plan Museveni-Kagame-Kabila est voué à l'échec
En plus des actions de lobbying que plusieurs compatriotes mènent à travers le monde, il est urgent de décomplexifier la question congolaise pour l'expliquer, à temps et à contretemps, à nos populations; simplement. Cela aiderait à la création d'une opinion publique capable d'organiser une forte pression contre « les collabos » du nouveau désordre africain au Congo.
En effet, c'est sous la pression populaire ougandaise, que Museveni a décidé de renvoyer Kagame et ses escadrons de la mort au Rwanda.
Il serait imprudent de trop compter sur le Parlement congolais pour un éventuel impeachment contre Joseph Kabila et Adolphe Muzito. Ils disposent, dans cette institution, d'une majorité achetable à souhait.(Pour rappel, Muzito, par le biais du Ministre près le Parlement, avait dû corrompre leur propre majorité avec quelques miettes de dollars pour faire passer son budget de misère.)
Selon les informations dont nous disposons, un bon nombre d'organisations de la société civile s'adonne à ce travail de formation et d'information de l'opinion publique sur l'unique enjeu majeur des guerres à répétition chez nous. L'insurrection des consciences est de plus en plus à craindre.
La synergie (invisible) entre certaines organisations de la diaspora congolaise et nos populations a facilité la récolte des données de terrain sur lesquels certains « amis occidentaux » travaillent avec leurs hommes et femmes politiques.
Ces données les ont aidés à battre en brèche l'argument-fonds de commerce du « duo » Kagame-Museveni: la déstabilisation de leurs pays par les rébellions ayant le Congo comme base-arrière. Un effet boomerang risque d'emporter ce « duo » de la mort.
Des colloques s'organisent à travers le monde entier sur le Congo et des Congolais de souche y prennent part et étonnent certains de leurs auditeurs par leur capacité de démontage de cet argument-fonds de commerce.
J.-P. Mbelu
« le: Février 04, 2009, 09:47:01 »
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