dimanche 22 mars 2009

Burundi : préparer sa retraite pour bien la vivre

(Syfia Grands Lacs/Burundi)

Pour éviter de se retrouver démunis à la retraite comme aujourd'hui leurs parents, les salariés burundais sont de plus en plus nombreux à cotiser dans des fonds de pension complémentaire ou à épargner. Une prévoyance qui porte ses fruits.

G. J., 45 ans, agent de la Regideso (entreprise de distribution de l’eau et de l’électricité du Burundi) est confiant : "Avec le fonds et la pension de retraite de l’INSS (Institut national de sécurité sociale) à laquelle j’aurai droit dans 15 ans, je pourrai vivre une bonne retraite par rapport à mes aînés". C'est la mise sur pied, en 2003, d’un fonds de pension complémentaire alimenté par son entreprise et les travailleurs qui y versent une partie de leur salaire chaque mois qui le rassure ainsi. Cet ancien cadre d’une entreprise para-étatique affiliée à l’assurance-pension complémentaire de la SOCABU (Société d’assurance du Burundi), lui, se frotte déjà les mains, car il est parti à la retraite fin 2008 avec 20 millions de Fbu (près de 20 000 $). "Après le décompte final, je me suis retrouvé avec un montant susceptible de m’assurer une retraite dorée. Cela est le résultat d’un effort hors du commun : depuis 2004, j’ai régulièrement cotisé la moitié de mon revenu mensuel à la SOCABU, en plus d’une partie de mes frais de mission", explique-t-il. Bien payé, il avait terminé de payer sa maison en 2004 et se retrouve aujourd'hui à la retraite sans souci. "Heureusement, même les plus jeunes commencent à faire de même", se réjouit-il.
Depuis 2005, les salariés, qui représentent 5 % des 8 millions de Burundais, ont compris, contrairement à leurs aînés, qu'il ne leur fallait pas compter sur l’INSS pour assurer leur retraite. En effet, aujourd'hui, la pension est très faible : un tiers du dernier salaire mensuel de base. Ainsi, Gabriel Misago, ancien travailleur de la fonction publique parti à la retraite fin 2005, touche mensuellement 32 000 Fbu (32 $) de l’INSS, ce qui ne lui permet pas de vivre à Bujumbura. "J’ai décidé d’aller m’installer à la campagne où la vie est moins chère. Il m’était même impossible de payer le loyer", indique-t-il.

Retraite forcée
Pendant longtemps, surtout durant la guerre civile, les fonctionnaires pouvaient continuer à travailler, même au delà des 60 ans retenus comme âge de départ à la retraite, évitant ainsi de tomber dans la misère. Depuis que la paix est revenue, la situation a changé : le poids du chômage, accentué par le rapatriement des réfugiés en quête du travail, pousse les administrations à contraindre leurs agents à partir à la retraite à l'âge légal. Ainsi, par exemple, 16 agents de la RTNB (Radio télévision nationale du Burundi) ont été mis à la retraite début 2009, soit 4 % du personnel ; ce qui ne s’était jamais produit au sein de cette entreprise. Ils sont partis la mort dans l’âme, car leur pension est dérisoire (en moyenne 60 000 Fbu, près de 60 $) par rapport à la cherté de la vie.
Les pensionnés se retrouvent souvent dans une situation financière intenable. La plupart d'entre eux vivent mal, excepté ceux qui ont hérité de leurs parents ou qui sont pris en charge par leurs enfants, neveux, cousins… Beaucoup retournent à l’intérieur du pays, là où ils sont nés. D’autres encore, même âgés, cherchent du travail chez les privés.
"Urukwavu rurakura rukonka umwana( Le lièvre vieillit et tête son petit)." Ce proverbe burundais n'a plus beaucoup de sens dans un contexte plus matérialiste et individualiste où chacun se débrouille seul, jeunes comme vieux. A. H. Abwahi, un retraité de Ngozi (nord du pays) constate que les jeunes travailleurs viennent de moins en moins en aide à leurs parents.

Prévoyance
Mais ces jeunes salariés, du secteur privé comme du public, ne veulent plus vivre le calvaire de leurs anciens. Ils s’organisent individuellement ou collectivement pour prévoir leur vie de retraité. Ils sont de plus en plus nombreux à épargner au prorata de leurs revenus dans les banques et les maisons d’assurances. La SOCABU, par exemple, spécialisée dans l’assurance automobile, incendie, risques divers et assurance-vie, a ouvert un volet assurance-pension complémentaire. Ses clients sont de plus en plus nombreux. "De 2004 à 2008, le nombre de clients est passé de près de 2 000 à plus de 40 000 personnes, soit une augmentation de 2 000 %. Toute la police nationale ainsi qu’une bonne partie de l’armée, tout comme des travailleurs affluent à la SOCABU pour éviter une vie précaire à la retraite", dit Tatien Sibomana, responsable du département juridique et du contentieux. Ces jeunes cotisent entre 3 et 10 % de leur salaire et l’employeur cotise généralement pour eux un montant égal.